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Loi EGA : le conseil constitutionnel précise sa jurisprudence sur l’environnement et le droit d’amendement

À la faveur de la décision 2018-771 DCsur le projet de loi agriculture et alimentation, le conseil constitutionnel s’est prononcé notamment sur deux catégories de « droits et libertés que la constitution garantit » : d’une part en matière dedroit de l’environnement(§1) ; d’autre part concernant la liberté dans l’exercice du droit d’amendementpar le parlement et le gouvernement (§2).

I - Le droit constitutionnel de l’environnement

 

I - 1 Liberté d’entreprise vsintérêt général de protection de l’environnement et de la santé

 

Le Conseil a été saisi par les Sénateurs sur l’article 28(ex-11 ter) de la loi EGA qui porte notamment sur l’interdiction de certains objets en plastique à usage unique. Les Sénateurs estiment que cet article méconnaît la liberté fondamentale du droit d’entreprise, et ce, pour deux raisons :

  • Le délai avant l’entrée en vigueur de l’article serait trop court pour permettre l’adaptation par les industriels et les collectivités (1erjanvier 2020) ; 
  • La loi s’appliquerait à des ustensiles réutilisables alors que le législateur souhaitait lutter contre le plastique jetable.

Les conseillers ont donc contrôlé la conformité à la constitution de cet article.

D’une part, le délai courant jusqu’au 1erjanvier 2020 est jugé raisonnable et suffisant pour que les acteurs économiques se conforment à la loi. D’autre part, le conseil constitutionnel estime que la portée de l’article est sans équivoque : il s’agit bien des ustensiles en plastique jetables et à usage uniquequi représentent un risque pour l’environnement et la santé (commentaire).

Les deux griefs des sénateurs sont donc écartés ; l’atteinte à la liberté d’entreprendre n’est pas disproportionnée ; aussi l’article 28 entrera-t-il bien en vigueur dans les conditions prévues par le Législateur.

À noter : Cette décision expresse bénéficie de l’autorité de la chose jugée : aucun recours ultérieur (sous la forme d’une QPC) ne sera recevable.

I - 2 La compétence du juge constitutionnel en matière d’environnement et de santé

 

Profitant de la saisine par les sénateurs, les conseillers constitutionnels ont également précisé la répartition de compétence qui existe entre le parlement et la rue Cambon (cons. 11). 

En effet, le conseil constitutionnel estime qu’il « ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement » tandis que ce dernier a à sa disposition les moyens pertinents pour acquérir les connaissances nécessaires à légiférer en matières environnementale et sanitaire.

II - Liberté fondamentale du droit d’amendement

 

En censurant 23 articles sur fond de « cavalier législatif », le conseil constitutionnel a précisé la notion de cavalier législatif (2005-532 DC, cons. 26) concernant la définition d’une disposition votée dans les mêmes termes(2.1) ainsi que du lien « même indirect »avec le PJL initial (2.2).

II - 1 Définition d’une disposition votée dans les mêmes termes

 

Les sénateurs ont demandé au conseil constitutionnel de censurer l’article 1erde la loi, au motif que des alinéas votés dans les mêmes termes par les deux chambres en première lecture ont finalement été modifiés après la commission mixte paritaire. 

Pour les sénateurs, la remise en question d’un alinéa voté en termes identiques en première lecture serait un « déni de démocratie »et une « atteinte à un principe républicain essentiel qui régit la navette parlementaire. »

Le conseil constitutionnel a précisé qu’un vote ne peut être « conforme » qu’à l’échelle d’un article entier – et non alinéa par alinéa. Aussi les Sages ont-ils indiqué concernant l’article 1er : « La totalité de ses dispositions restait donc en discussion, même celles adoptées, le cas échéant, en termes identiques. »

Conformément à une pratique constante, c’est bien à l’échelle de l’article in extensoqu’est appréhendé le droit d’amendement (2018-771 DC, cons. 4) ; et seuls les articles intégralement votés dans les mêmes termes deviennent immuables. Le gouvernement argue notamment que dans le cas contraire, on assisterait « à une insécurité que le constituant ne saurait avoir voulue. »

II - 2 Ce qui est entendu par le lien « même indirect » avec la loi

 

Par contraste avec les articles expressément censurés, il ressort que l’article 28 n’est pas le fruit d’un cavalier législatif (2018-771 DC, cons. 20), alors même que le lien avec le texte pouvait être interrogé. En effet, le conseil constitutionnel a conclu : « Les mots "pailles, couverts, piques à steak, couvercles à verre jetables, plateaux-repas, pots à glace, saladiers, boîtes et bâtonnets mélangeurs pour boissons" […] ne méconnaissent aucune autre exigence constitutionnelle, sont conformes à la Constitution. » 

Le Conseil constitutionnel a donc démontré l’étendue de la notion de « lien même indirect » avec le projet ou la proposition de loi. 

Nonobstant cette approche lato sensudu lien « même indirect », les dispositions censurées pour cavalier législatif (cons. 23 à 39) concernaient bien l’agriculture ou l’alimentation ; elles n’ont toutefois pas été interprétées par les Sages comme en lien avec le dispositif du texte initial, démontrant que la distinction reste subtile.

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